Dans la boutique à l’angle de ma rue

      Je vous le dis , je vous l’avoue , la mode et les frou-frous ce n’est pas mon truc , le maquillage , le prendre soin de moi , c’est tout oublié . Je vais au plus pratique , à ce qui me cache , à ce qui me rend inaperçue !  Mais voilà , vendredi soir sortie professionnelle en boîte de nuit ! Alors déjà que je me sens un peu vieille pour ce genre d’exercice , je fus à quelques heures heures de partir , prise de panique quant à ma tenue ! Parce que qui dit kilos accumulés , rien de mes fonds d’armoire ne m’allait plus !
Impossible de prétexter une maladie imaginaire , un hypothétique souci de famille , il n’ y a que ma tête qui déraille , mon corps qui me rebute et je dois aller danser ! J’envoie des sms en guise d’au secours mais personne ne peut m’aider c’est juste moi et moi !
Et soudain , moi et ma carte bleue , nous nous précipitons dans la boutique de Jacqueline Riu à l’angle de ma rue !
Je brasse discrètement les jupes et les vestes , j’observe , j’examine , j’évalue mais je ne comprends rien à toutes ces fringues , je panique encore en voyant l’heure , il n’ y a plus personne dans le magasin alors dans un élan , j’explique à la vendeuse mon cas désespéré ! Elle me présente une première robe noire au décolleté profond , ultra sexy , le truc qui par excellence me mettrait mal à l’aise ! 
Quand elle voit ma mine déconfite , elle s’adoucit et se fait prévenante , cherche ce que je pourrais aimer , dans quel style je pourrais être bien ! Elle me trouve une nouvelle robe , et m’entraîne vers les cabines d’essayage , je résiste , elle persiste , rassurante ! C’est un cauchemar devant la glace , je voudrais me sauver , m’enfuir , annuler cette sortie , rester chez moi , planquée . Mais la vendeuse ose un compliment tout en me proposant la taille au dessus , je m’agace , je m’excite à la limite des larmes en essayant d’échapper à la vision de mes bourrelets dans la glace . Elle comprend que je suis mal dans ma peau , m’assure que malgré mes rondeurs je reste bien proportionnée et jolie , elle redouble de patience et de gentillesse mais affirme que je dois trouver quelques choses pour m’habiller ! Elle me trouve une tunique avec des volants qui pourraient tout cacher . Je l’enfile et la vendeuse décrète que non vraiment ça ne me va pas , c’est vrai qu’avec je ressemble à une barrique ! Je baisse les bras , je m’énerve en remettant mon tee shirt , mais elle surgit à nouveau avec une autre robe que je passe brutalement . Elle soutient qu’elle me sied , je suis mal dedans mais je la prends pour lui faire plaisir , pour abréger mon supplice , pour la remercier de s’être occupée de moi . 
En sortant de cette maudite cabine d’essayage , je trouve sur un portant une autre tunique noire pailletée bordée d’une discrète dentelle , je la prend au vol en suivant la vendeuse jusqu’à la caisse . Elle désapprouve mon choix , pense que la robe m’ira mieux , je bougonne en lui répondant que peu importe j’aurais le choix ainsi ! Elle me présente un collier que je ne mettrais pas enfin pas ce soir ! En faisant mon code , en payant mes folies d’angoissée , nous discutons de ma soirée , de mon travail , du temps , du quartier .  Sur le pas de la porte , elle me recommande de me maquiller et me souhaite une bonne soirée .
Et à ce moment là , j’ignorais encore si j’allais passer une bonne soirée , mais ce qui est sûr , c’est que la vendeuse de la boutique à l’angle de ma rue a été adorable , disponible pour m’ accompagner dans mes turbulences . Je suis rentrée presque légère .

Edit : J’ai mis ma tunique toute neuve et un pantalon noir , des chaussures à talons . Je me suis maquillée , parfumée !
Mes collègues m’ont complimentée sur ma tenue , ce me fut difficile à accepter parce que sous l’étoffe , il y a tout mon mal peau ! Nous avons dansé jusqu’à la dernière note , j’avais laissé au vestiaire mes états d’âme et en rentrant dans la matinée , je me suis dit que j’avais passé une belle nuit .