Les Marronniers de la Place Bellecour

J’ai oublié d’aller au bout de ma rue , pour faire des là-bas mes quartiers d’évasion , un autre chez moi pour mieux respirer , me sentir vivre .
J’ai oublié d’aller au bout de rue , comme une étrangère dans un décor habituel et familier  .
Vendredi , je m’en suis allée à l’aventure au bout de ma rue avec Maya , la chienne de Denise .
Je ne vous ai pas raconté mais en février Denise ma voisine est encore tombée et la  jambe de la vieille dame n’a pas résisté.
Denise a hurlé sa douleur, Denise a hurlé sa peur, Denise a crié mon prénom, Denise a crié le nom de sa petite chienne .
J’ai monté les marches quatre à quatre pour rassurer Denise , j’ai descendu les escaliers avec Maya qui regardait partir sa maîtresse avec les pompiers . Ne vous inquiétez pas Denise , je garderais Maya , lui ai je dis quand la porte du camion rouge s’est refermé sur son désespoir .
Depuis Maya est avec moi , enfin Maya est allée aussi chez Christine puis chez Sarah , Maya s’est fait tondre par une toiletteuse , Maya a eut un compagnon de jeu Pégase le caniche .
Vendredi , nous nous en sommes allés jusqu’à la Place Bellecour parce que je voulais acheter mes tickets pour Arcade Fire . Je n’en croyais pas mes yeux , les marronniers avaient été arrachés ,  des piquets rappelaient qu’ils avaient été là , les bassins d’eau démolis , les kiosques ressemblaient à des baraquements en sursis ! La Place Bellecour était abîmée , ravagée , nue , encore aux prises de travaux , je me suis alors souvenue de ce que m’avait dit Denise . Elle m’avait raconté qu’il y a longtemps , au printemps le personnel du Parc de la Tête d’Or disposaient des orangers , qu’il y avait des chaisières qui louaient des sièges , que les personnes se retrouvaient pour discuter à l’ombre au bord des bassins , que les enfants pouvaient faire des tours de petites voitures .
  

Je suis soulagée de ne pas avoir vu l’enlèvement des 80 arbres , je crois que je n’aurais pu retenir mes larmes en les voyant coupés et puis se coucher en craquant .  Je ne les voyais pas malades mais encore fiers les marronniers , je les aimais en fleurs , je ramassais leurs fruits durs et foncés . Je les aurais encore en photos , des clichés soudain vieillis , d’un autre temps , un jour je raconterais à mes voisins que sur la Place Bellecour , il y avait des marronniers , que leurs bogues nous tombaient dessus quand nous mangions sur la terrasse du kiosque aux derniers rayons du soleil avant la maturité de l’automne … 

 
 
 

 

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