Un petit square derrière le monument aux Morts , un banc de pierre derrière un buisson , du soleil derrière un ciel laiteux , il était samedi .
La mairie là-bas , les voitures qui se garent , une capeline rouge qui se précipite vers un chapeau vert , je reconnais ces silhouettes en tenue de fête .
J’ai mal au ventre , Christine est là , elle me rassure , me soutient , je cherche une cigarette dans ma besace , mon briquet dans ma poche , je tire une longue bouffée , en fumée je souffle tout mon chagrin .
En me soulevant sur la pointe des pieds , je distingue le marié dans son costume noir , je me cache à l’abri des arbustes , j’ai envie de partir , Christine me retient encore , m’encourage à supporter l’insupportable .
Je me recroqueville sur le banc de pierre , j’ai mal à la tête , encore une cigarette . Et puis elle arrive dans sa robe crème , un discret voile de tulle . J’ai un battement qui cogne , frappe mes trippes , heurtent mes tempes , mes yeux se brouillent . Patricia , son mari viennent en renfort , dans leur présence , je trouve la force de ne pas m’écrouler . Ils sont là tous les trois , m’enveloppent de leur amitié , ils sont ce jour ma résistance , j’ai si mal .
Là-bas , les invités papillonnent autour des vedettes puis rentrent dans la salle des mariages . Il n’y a plus personne sur les escaliers , je sors de ma cachette et soutenue par mes amis , je rejoins la mairie et je me mets à l’abri derrière un pilier pour entendre la cérémonie , les mots claquent , résonnent , j’entend mon nom dans l’énumération de la filiation , je ne suis qu’un nom .
Madame et monsieur sont officialisés , je pars , je fuis , Christine et Patricia tentent encore de me retenir , je m’installe au volant de ma voiture et puis je retourne derrière les buissons , je regarde les mariés sur les escaliers , les poses pour les photographes , les applaudissements , je me cache pour ne pas faire honte à ma fille .
Ils sont là mes amis , ils me tiennent debout , me maintiennent en vie . Dans nos mots , nous essayons de comprendre l’incompréhensible d’imaginer un espoir qui n’effacera jamais cette date et puis en bulles de champagne , en verre de whisky autour d’une table de poker , j’essaye d’oublier ce cauchemar , je suis blottie contre eux jusqu’au petit jour qui pointe et Christine m’accompagnera jusqu’au matin qui s’est installé .
Samedi ma fille s’est mariée et j’étais cachée derrière des buissons .
7 commentaires:
Je ne comprends pas encore bien pourquoi tu étais cachée mais en tout cas tu étais là, présente.
En plus, tu avais des amis t'aimant autour du toi.
Et, n'oublie pas: tu écris merveilleusement bien!
Comme si j'étais là dans ta peau (que l'histoire soit vraie ou non, je l'a ressentie comme telle).
Et merci pour tes mots chaleureux: ils ont signifié tellement pour moi, ce matin avec mal au dos et de la pluie dehors.
Ma petite Matinou jolie...
Je me souviens de ce que tu m'as raconté...
Ainsi donc, c'était samedi
C'est incroyable...inimaginable...!
Patricia et son mari t'ont soutenue...
heureusement...
Je t'embrasse fort, fort
(et c'est vrai que tu écris bien, si bien...
mais que se passe t-il? vous cachez? alors que votre fille se marie? :) c'était une blague? très bien raconté en tout cas !!!
Bonjour Julie ,Merci de ta visite ,
L'histoire est malheureusement vraie ...
Bonjour Coumarine ,
Oh oui heureusement qu'ils étaient là , ce fut tellement dur ...
Je t'embrasse bien fort
Matinou
Bonjour Hambrellie ,
Ce n'était pas une blague hélas , il y a des histoires de famille comme ça , un peu compliquées et douloureuses !
Matinou
Je n' ai pas encore lu votre blog, je n' ai pas compris les tenants de votre histoire, mais votre écriture si fine, précise et douce malgré la dureté de la situation m' a emmenée avec vous, dans votre souffrance; Je reviendrai...
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