lundi 5 janvier 2009

Il fait froid ...

Il est onze heures et demi , j'attends Christine en bas de chez elle .
Il fait froid , vraiment très froid . Même dans mon long manteau de plumes , je frisonne , mes mains s'ankylosent , rougissent , mes doigts se figent autour de ma cigarette .
Quelques minutes encore et mes extrémités se feront douloureuses .
Encore un tout petit peu de patience et je serais au chaud , nous nous attablerons autour d'un plat fumant de coquilles Saint Jacques .
J'attends Christine en bas de chez elle .
Il fait froid , vraiment très froid et je ne peux m'empêcher de penser à cet homme qui vit dans un renfoncement à l'entrée du tunnel de Fourvière , deux mètres par un mètre cinquante peut être , un espace ordonné . Parfois , au hasard de mes passages , je le vois ranger , nettoyer son endroit ouvert à la hauteur de nos pots d'échappement , à nos regards d'indifférence . Il aligne ses quelques bouteilles en plastique remplies d'eau , met en rang de l'autre côté ses litres d'alcool et à son réveil il descendra une longue rasade de piquette pour se réchauffer . Dans un coin , il a empilé ses sacs , mis des sacs dans d'autres sacs , caché quelques vêtements . Son lit est une superposition de couvertures élimées aux couleurs passées , des sacs de couchage défréchis , parfois il est assis au bord de sa couche grignotant quelques quignons récupérés on ne sait où et qu'il émiette ensuite et jete aux pigeons compagnons d'infortune .
Mes mains se raidissent au froid , et je pense aux siennes qui ne seront pas à l'épreuve un quart d'heures mais jusqu'au bout de cet hiver . Je pense à cet homme à la barbe grise , hirsute , aux baskets éventrées qui doit se recroqueviller sous ses lambeaux pour chercher et conserver ce peu de la chaleur de son corps .
Je n'apprécie pas mon rôle de spectatrice , je soupoudre de persillade les coquilles Saint Jacques , mes mains n'ont plus froid , je suis avec Christine dans la cuisine , dans la douceur de l'amitié et je ne peux chasser l'image de cet homme qui vit dans un renfoncement à l'entrée du tunnel de Fourvière .
Demain , je mettrais des gants , je remplirais un sac de victuailles , je chercherais un thermos et puis j'irais à pieds jusqu'au renfoncement à l'entrée du tunnel de Fourvière .

3 commentaires:

Quartz Rose a dit…

Il y a un sdf chez nous qui est mort, caché dans un renfoncement sous un tunnel de métro. Et pourtant, l'alerte au froid a été déclenchée, les abris sont prêts, y compris ceux de l'armée qui sont vides! Un comble... Mais les sdf n'aiment pas non plus de devoir rentrer à 8 heures dormir à 9 heures et sortir à 7 heures. On est si vite à côté de la vie des rythmes de la vie "normale".

Un jour, au bureau, on a reçu les sandwiches en trop d'une réunion du C.A. En passant au boulevard, j'ai croisé un sdf et un peu plus loin, j'ai trouvé ça trop bête - moi je n'osais pas le faire, mais j'ai demandé à mon ex s'il ne voulait pas lui proposer le pain - très important, lui proposer, pas le lui donner d'office. Il a accepté et voilà.

Mais c'est une aiguille dans une botte de foin et la misère devrait disparaître de l'univers.

MaTinou a dit…

Bonsoir Pivoine ,
Oui c'est sympa de proposer , c'est en plus une façon de rentrer en relation avec la personne .
Bisous
Matinou

Anonyme a dit…

J'ai habité pendant quelques années à moins de cent mètres de ce monsieur. Au début, lorsque je le croisais le matin, nous échangions un bonjour.
Au fil des mois, du froid, de l'alcool je l'ai vu se creuser, se rider, dépérir. Sa démarche est devenue de plus en plus raide.

As-tu été lui amener de quoi manger ? A-t-il accepté ?
Deux ou trois fois j'ai essayé, il a accepté à contrecoeur. Deux ou trois fois il a demandé. Ce devait être des jours sans.
L'autre jour je suis revenu dans le quartier. Il n'était pas là mais ses affaires oui.
...
De l'autre coté du pont, pour aller vers Perrache, le soir vers 17h il y avait une petite blonde qui s'installait et attendait le client.
Quand je rentrais le soir on échangeait un bonjour, un sourire, une cigarette.

Je me suis beaucoup et longtemps demandé ce que je pouvais faire pour lui, pour elle, pour eux. Rien à priori, à part les traiter comme des êtres humains et échanger un bonjour-bonsoir et un sourire.

Merci pour ce texte.