Quand le portable a sonné en vibrant sous mon oreiller , j'avais encore les écouteurs de mon i-pod sur les oreilles . Je crois que je n'ai pas entendu la fin de la première chanson avant d'avoir sombré dans le sommeil et il me semble que j'ai ouvert les yeux dans la position exacte dans laquelle je me suis endormie , tel un gisant raidi au creux d'une cuvette d'un matelas dans un dortoir sous les toits . Et j'entends maintenant la voix rauque de Christine me demander si je suis réveillée .
Oh punaise ! que ce fut douloureux de mettre en route ma carcasse toute en courbatures !
En face de nous , des messieurs s'agitent en caleçon ... oula la , il faut soudain se rappeler où nous sommes et ce que nous faisons ici ! Et puis il faudrait qu'ils se dépêchent un peu ces messieurs à s'habiller et à descendre , pas question de nous balader en dessous devant eux !
Une à une les connexions du cerveau se font , les muscles se réchauffent et l'enthousiasme revient .
Faut dire que nos aînés retraités nous ont donné une bonne leçon ! Ils ont vendangé sans faillir , manger et bu joyeusement , joué aux cartes tard le soir et ce matin nous les retrouvons frais et dispo à nous rappeler que nous devons être dans les vignes à sept heures et demi !
Alors nous arrêtons de couiner sur nos bobos , nous nous agitons et en moins de deux , nous voilà attablées devant le petit déjeuner et puis dans la voiture , et enfin devant le premier cep .
Le soleil se lève sur les coteaux du " Moulin à vent" , ses rayons jouent avec les couleurs rouges et jaunes des feuilles , dessinent les nervures foncées . Quelle matinée magnifique , la tiédeur a déjà séché la rosée et la gouaille des hotteurs donnent le rythme de notre cueillette .
Et les hommes causent et causent encore et dire que ce sont les femmes qui ont la réputation d'être bavardes et puis nous faisons la connaissance d'un couple venu tout droit des vignes argentines , ils nous racontent les plantations à trois milles mètres d'altitude , les nuits fraîches , les jours chauds , plus tard dans la soirée nous gouterons leurs vins à 14°5 et nous les écouterons parler avec Richard des assemblages . J'ai même leur coordonnées , si j'osais aller vendanger en Argentine au mois de mars .
Nous avons apprivoisé nos douleurs et quand notre nouvelle copine docteur défaille nous l'encourageons avec un slogan que nous déclinons à plusieurs sauces " la pensée positive" !
Journée soleil , on fait tombé les pulls et on remonte les rangs en remplissant nos seaux .
Pause casse croûte autour du tracteur orange , instants contemplatifs des ceps noueux , du château au loin avec ses tuiles vernissées , du moulin qui a mis sa voile rouge .
Richard nous désigne les rangs , booste ses équipes , s' inquiète de la qualité du raisin .
Corinne sa femme raconte qu'il essaye de respecter la nature et l'environnement en évitant les produits chimiques , que l'herbe repousse entre les pieds de vigne .
A midi , les cuisinières nous régalent et nous mettons toute notre énergie à les applaudir en guise de remerciements .
Pas question d'imaginer une sieste et notre chef d'équipe sait que si nous nous attardons trop nous aurons du mal à repartir ...
En bons ouvriers , nous nous remettons à la tâche mais le dernier rang de la journée fut mortel , parce que très long et surtout le raisin était très abîmé . Richard est déçu , les fruits se sont dégradés rapidement alors qu'il en espérait beaucoup .
Nous fêtons bien sûr la fin de la récolte avec le millésime de l'année dernière , il est vraiment très bon son "Moulin à vent" . De jeunes vendangeurs expliquent en sirotant leur verre que dans d'autres domaines , les conditions de travail sont bien différentes , qu'ils ramassent au poids , ou qu'ils ne sont ni nourris , ni logés .
Parce que Corinne et Richard reçoivent beaucoup de monde le week end , nous décidons de rentrer après ces deux jours très sympas en leur laissant notre proposition de recommencer l'année prochaine mais aussi de leur donner un coup de mains tout au long des mois à venir .
Richard m'a demandé pourquoi je faisais ça , je lui ai répondu par plaisir .
J'aurais pu étoffé ma réplique en lui disant que je les trouvais beaux ces jeunes parce que passionnés , passionnants , travailleurs et courageux , je les trouve beaux ces jeunes quand ils parlent de leur terre , de leur raisin , de leur vin , j'aime leur accueil chaleureux et généreux .
Ah et puis j'oubliais ..... les murs dans le grenier , ils sont fait de tuiles ébréchées que les habitants allaient récupérer dans la fabrique à côté du village dixit Richard .
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